Quand toute notre vie entre dans un sac de 65 litres... |
Certains ont besoin d'une aide psychologique pressante. D'autres descendront de l'avion comme s'ils venaient de descendre de l'autobus. Parce qu'il n'y a pas une seule vraie façon de revenir.
Ces amis rencontrés sur la route, comme moi, avaient tous la même théorie. Quand on connaît déjà la date butoir, on s'efforce à se conditionner, lentement mais sûrement, à l'inévitable.
Sauf qu'advient une « bipolarité » inconfortable. Probablement inévitable elle aussi. De grandes joies, des retrouvailles attendues, la sainte paix à savourer. Des moments de noirceur aussi, de solitude inexplicable, même après six mois sur la route... en solitaire, de tristesse qui ne se traduit pas en mots.
On réalise que la notion de chez-soi a changé. Que les attaches se sont effritées. Que cette indépendance acquise nous mènera inexorablement ailleurs. Après tellement d'adieux, on relativise ces liens qui s'entremêlent et nous retiennent.
On réalise qu'on a changé, point. Un peu dans le regard des autres. Mais ce qui diffère ne réside en rien dans ce que les autres voient. C'est là, mais ils ne verront pas. Et ça les inquiète.
Revenir c'est s'entourer à nouveau de gens qui ne comprennent pas. Point. Sans que ce soit un reproche. Simplement parce qu'ils n'étaient pas là. C'est se sentir prisonnier avec nos souvenirs, nos nouvelles valeurs, notre identité revampée. Et on se sent à tout le moins soulagé, léger, à retrouver nos complices de voyage. Comme quand on retrouve une amitié qui a duré toujours. Parce qu'on vit dans le même monde. Qu'on part du même point A pour aller vers un point B. On est là, c'est tout. Soupir de soulagement!
Le retour, c'est voir les contours du moule, les jupons qui dépassent, le rouleau-compresseur qui fonce à toute vitesse. C'est se battre chaque jour pour ne pas s'enfoncer dans la facilité, se mouler à nouveau aux contours de ce moule.
« Tu verras, avec le temps, tout redeviendra comme avant », qu'on me dit pour me rassurer.
Mais non! Il ne faut pas revenir comme avant. Parce qu'on n'est plus « avant ». Parce qu'il y a autre chose devant.
S'il y a une chose à comprendre à côtoyer toutes ces différences, c'est bien que tout est toujours possible...
Suffit de surmonter la désorientation provoquée par le changement. Vouloir tout faire, tout voir, mais ne pas savoir par où commencer. Réaliser encore plus qu'une vie ne suffira pas. Qu'il faudra bien faire des choix.
Je sais, il a l'air bien gris ce portrait du retour. Comme une peinture de clown triste (ou une peinture de clown tout court), ça rend mal à l'aise. Ce qu'il y a de beau à rentrer d'une aventure qui nous a forcément « déprogrammé », c'est de vivre de grands moments de vérités, d'authenticité. On vit les moments de détresse comme les moments de bonheur comme ils viennent, sans essayer de les retenir, parce qu'on a appris à vivre au jour le jour. Et ça passe!
Un jour à la fois, belle marotte difficile à appliquer, compose pourtant le remède de tous les maux. Parce que le passé n'est plus, que le futur angoisse. Suffit de savoir qu'on va quelque part.
Et si on se reprenait à rêver?
Tu as raison, il ne faut pas que tout soit comme avant.Notre pire ennemi est la rapidité organisée de notre vie. Tu as réussi à déjouer tout ça pendant six mois, il faut que ça laisse des séquelles!
RépondreSupprimerTu as vu le monde autrement. Il peut être autrement. Le but, pour moi, c'est de ne pas laisser le monde dicter notre façon de le voir et de le vivre.
François