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Sapa, Vietnam |
Je prends un retard énorme. Énorme! Dans tout. Parce qu'à revenir à la maison, je m'enfarge un peu trop dans les fleurs du tapis. Mais ça passera. J'espère! Et j'arriverai à rétablir la vitesse du sable qui coule dans le sablier à un rythme qui me convienne davantage.
En attendant, on me demande souvent ce que je pense de cette longue épopée de six mois qui s'éloigne lentement dans le rétroviseur. Si c'était à refaire... me lance-t-on. Avec les points de suspension. Pour que je complète l'affirmation.
Si c'était à refaire, je ne changerais rien. Pas une minute, pas une seconde. Rien! N'en déplaise à ce touriste français qui jugeait ma cavale trop rapide pour que je puisse goûter vraiment les saveurs d'un voyage.
Vrai que je n'en aurai jamais fini avec ce monde. Qu'il m'en restera toujours plus à découvrir. Mais on ne regrette jamais le bonheur. On ne souhaite pas revenir en arrière et changer une ivresse qui nous fait oublier les imperfections de la vie.
Quand j'y repense, je n'ai pas appris tellement de mots dans chacune des langues auxquelles je me suis buté. J'ai eu mal au ventre presque quotidiennement pendant des semaines, des mois. J'ai eu mal aux os à dormir sur des presque-lits, planches de bois à peine couvertes d'une matière visant le confort. J'en ai vécu des frustrations de ne pas pouvoir communiquer, de ne pas savoir où aller, de devoir courir les visas, les bagages perdus, les billets de train et d'autobus. Mais je ne changerais rien. Et ce n'est pas pour bien paraître, pour avoir l'air d'avoir compris quelque chose que je n'ai pas compris ou pour répondre au cliché qui veut qu'on ne regrette jamais le bonheur.
C'est parce que je le sens, juste là. Je sais que j'ai pris la meilleure décision de ma vie en mettant les voiles. Je me suis permis de devenir quelqu'un où que je sois, de laisser une empreinte qui s'efface déjà lentement un peu partout sur la planète, mais qui me permet de m'agripper solidement au volant qui conduit ma vie je-ne-sais-où.