Université d'Istanbul |
Là, pas possible d'entrer sans passer par un contrôle de sécurité. On abdique et on fait le tour du campus par l'extérieur. Fait marquant, les vendeurs itinérants de matériel scolaire avec leur petit stand à roulette, en plein air...
Nous avons visité une autre mosquée avant de redescendre vers notre auberge, où nous avions convenu de rejoindre une nouvelle amie. Ensemble, nous marcherions vers la place Taksim, là où la plupart des manifestations contre le premier ministre Erdogan se sont tenues. On nous disait que, de jour, ce serait plutôt sécuritaire.
Nous avons donc traversé le pont Galata et monté lentement le long d'une rue piétonne, où nous nous sommes arrêtés dans un restaurant. Plus nous approchions de la place Taksim, plus la foule était importante, même s'il n'y avait pas particulièrement d'activités de protestation.
Tout le pourtour de la place Taksim était envahi d'agents de police. Les canons à eau avait été bien alignés pour ne pas entraver la circulation. Déjà, on sentait qu'on marchait un peu sur des oeufs. Pas le temps d'être extravagant. Il fallait se fondre dans la masse.
Nous nous sommes approchés un brin du parc Gezi, où une pelle mécanique travaillait déjà. Des policiers étaient postés à l'entrée du parc et il était gênant de pointer notre caméra dans leur direction.
Nous sommes donc allés sur la place elle-même et avons pris le temps de discuter avec quelques manifestants, pour la plupart silencieux, qui restaient bien immobiles.
Il y avait ces chaussures abandonnées, pour symboliser ceux blessés ou morts dans les contestations. D'autres s'étaient bandé les yeux, tenaient une balance pour illustrer la justice.
On nous a raconté la mort d'un manifestant, comment les amis et la famille se relayaient sur la place Taksim pour lui rendre hommage. Nous avons acquiessé aux dires de notre traducteur, qui prétendait que les manifestants n'étaient que des casseurs. Mieux valait ne contredire personne, écouter, éviter de prendre position.
Nous avons aussi suspecté la présence d'agents en civil, qui nous tournaient autour. Ils ont fait déguerpir deux jeunes filles à qui on venait de s'adresser.
Après une autre longue conversation, nous avons déterminé qu'il était temps de nous éclipser. Autour de la place Taksim, ma tête de blanc ne plaisait pas trop aux marchands de bouteilles d'eau, qui tentaient de m'escroquer. J'ai fini par obtenir de l'eau à un prix juste au quatrième ou cinquième marchand.
Nous sommes redescendus lentement dans les dédales de nouvelles rues pour éventuellement croiser des contestataires qui se dirigeaient vers place Taksim. La fin du quart de travail avait sonné. Tous montaient en groupe en scandant des slogans. Un brin intimidant, quand même.
Là aussi nous avons longuement hésité. Mais la pression était forte. En groupe, nous avons négocié des taxis pour qu'ils nous emmènent dans Beyoglu. Dans la noirceur, le paysage avait changé. Des gens couraient, la bouche et les yeux couverts. D'autres tentaient de vendre des masques de plongée...
Nous sommes arrivés au bar, où il fallait grimper six, sept ou huit étages pour atteindre le dernier plancher. De là, la vue était imprenable. De grandes vitres couvraient les murs sur trois côtés. Étrangement, ne s'y trouvaient que quelques fêtards.
À peine nos consommations commandées, nous avons passé la tête par la fenêtre pour regarder dehors. La foule courait soudainement tout en bas. Lentement, les yeux me piquaient. Le gaz lacrymogène, lancé on ne sait où, montait, montait encore. Même en fermant les fenêtres, il était trop tard. Les quelques noctambules se bousculaient, se lançaient vers l'escalier.
Les yeux, la gorge, les poumons brûlaient. Avec un peu d'eau dans le visage, entre deux paliers, nous reprenions nos esprits et nous avons opté pour un départ immédiat.
Nous sommes montés dans un taxi, entre une rangée de policiers sur un trottoir et une horde de manifestants sur le trottoir d'en face. Sur le chemin du retour, nous avons croisé un taxi immobilisé, les portes ouvertes, avec des hommes qui s'en prenaient aux occupants. Pas le temps de comprendre ce qui se passait vraiment. Mieux valait mettre les voiles...
À la veille de notre départ de la Turquie, nous avons été quittes pour quelques bonnes émotions.
On peut lire l'article que j'ai écrit pour le journal La Tribune et La Nouvelle alors que je me trouvais encore en Turquie. Il relate les événements de cette journée.
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