15 février 2012

Le moment du départ

Je devrais être couché. Depuis longtemps. Mais voilà, mes bagages ne sont pas bouclés. Les appareils électroniques sont encore à se recharger, les vêtements à sécher. Il reste à décider quelle portion de bagage sacrifier pour arriver à tout porter.

Dans quelques heures, je quitterai mon Sherbrooke natal pour six mois. Je n'ai jamais quitté la ville aussi longtemps. Jamais! Et pourtant, je ne sens qu'un grand vide. Six mois, c'est long, mais c'est court pour faire le tour du monde.

« Tu dois être excité! » me lance-t-on à qui mieux-mieux.

Non! Niet! Pas de papillons. Qu'une tendre « résignation ». Un mécanisme de survie, certainement, comme pour celui qui saute dans le vide malgré le plus grand des vertiges. Le cerveau se débranche, ne mesure pas. Ne veut probablement pas saisir l'ampleur, ni les conséquences, des choix passés et futurs. Ne souhaite pas anticiper la kyrielle de problèmes qui, immanquablement, ponctueront chaque fuseau horaire.


Les gens, ils vivront par procuration. Ont déjà commencé. Ce sont beaucoup de touristes occasionnels que j'emporte avec moi, métaphoriquement. Qui me souhaitent d'en profiter tellement, même si chaque fois que je voyage, je me répète la même chose, et que je ne sens pourtant rien de plus. Ces gens-là se lèveront pourtant chaque jour dans le quotidien. L'excitation se dissipera. La terre continuera de tourner. Et à mon retour, ils s'étonneront de tout ce que j'ai manqué... « C'est vrai, t'étais déjà parti quand... »

J'ai voulu partir.

Je pars.

Mais ça donne la trouille un brin. Le cartésien planificateur en moi prend les jours un à la fois depuis déjà quelques semaines. Et il ne comprend pas. Ne comprend pas comment son monde tourne sans la raison cartésienne. Tout en se rendant à l'évidence.

Pas d'enfant. Pas de maison. Tanné d'attendre que le monde change. L'envie folle de prendre l'air. De vivre pour moi sans ces bâtons qui se brisent dans mes roues. L'envie folle de tremper les lèvres dans un grand bol de liberté. De prendre soin du « tu-seul » en moi, pour paraphraser Michel Tremblay.

Y'a aussi la trentaine qui fait tata un peu au loin, que j'aperçois déjà parce qu'elle ne m'a pas encore rendu myope.

Y'a pas de bonnes raisons de partir. Y'a que des raisons de s'arrêter de s'accrocher. Que des raisons de prendre le volant pour arrêter d'aller nulle part.

Je ne pars pourtant pas à la recherche de l'insoupçonné qui se cache en moi. « Tu changeras, tu verras », me direz-vous. Peut-être bien. Peut-être pas. Ou peut-être que j'étais déjà celui que je serai quand je reviendrai.

En attendant, ne me rappelez pas que je ne reviendrai qu'à la fin de l'été. Mon cerveau croit encore qu'il se paie une vulgaire semaine de vacances sur les plages et les boulevards du superficiel, en Californie.

Note

À tous ceux qui se sont dit : « Nous ne t'écrirons pas. Tu auras tellement d'autre chose à faire que de nous lire... »

Je réponds : N'hésitez pas. Je vous lirez avec plaisir. Et vous répondrez plus rapidement que vous croyez. Je pars explorer, mais je ne disparais pas. Skype, Facebook et autres figurent déjà dans les favoris de mon ordinateur portable.

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